Annie Salager in Possibles, nouvelle série n° 6, mars 2016
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Annie Salager, Sonnets des questions
deux des sonnets dédiés à Andrée Chedid, Terra nostra, Cherche Midi éditeur, 1999


C’est l’automne, tu rêves

C’est l’automne, tu rêves de grands lévriers,
leurs bonds les enverraient courir entre les vignes
dans l’air éparpillé en batailles d’oiseaux,
ce serait l’aube, ils frôleraient une limite.
 
Entre ses doigts piqués au sang par des épines,
quelqu’un tiendrait la rose venue du fond des nuits.
Son odeur exaltée nous conduirait vers elle
sûrement, bien qu’elle soit à nos yeux invisible.
 
Que dit un rêve ? La voie désignée par la nuit
aux signes équivoques, à travers ton corps sourd ?
L’avènement d’amour que berne chaque jour ?
 
Dans la plus simple vie, y aurait-il parfois
un lieu inchoatif, une vigne où le bond
garderait souvenir des chutes et de l’envol ?

Sainte Sophie à la coupole

Sainte Sophie à la coupole et au bourreau !
Vois le bourreau par qui le corps d’un homme éclate
et vois le corps battu, tuméfié par les coups,
poussé de force en cage, le visage noirci.
 
Et vois le corps violé à mort, jaillir le sang,
le bourreau s’acharner et livrer pantelant
une masse d’odeurs et de dents fracassées
où s’abattront les mouches, un corps réduit à rien.
 
Ta coupole, Sophie, où murmure la paix,
dans le soleil levant aux terrasses calmées
ouvre les résédas de la rose Istamboul.
 
Mais en nous la conscience n’est pas encore née
du corps qui nous unit à chacun des humains.
Sous les tuiles des toits, les oiseaux vont et viennent.

Annie Salager, Terra Nostra, avec l’aimable autorisation de l’éditeur et de l’auteur

Annie Salager, poème et note inédits —>

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