Friches [revue de poésie, n° 120] in Possibles, ajout au n° 6, mars 2016]

Friches, revue de poésie, n° 120
[Vient de paraître, mars 2016, 74 pages, 12,50 €]

couv. FrichesCette revue de poésie a  été fondée en 1983, voilà donc 33 ans. Cette longévité est suffisamment rare pour être consignée. Qui plus est, cette revue trimestrielle de plus de soixante-dix pages est réalisée en typographie traditionnelle sur lynotype par un Moulin artisanal et associatif. Son directeur, Jean-Pierre Thuillat, poète, a reçu le prix Aliénor 2015 pour son recueil Dans les ruines, publié à l’Arrière-Pays : « Tu seras loin, c’est sûr, lorsque je partirai. Si tu reviens un jour au pays de l’enfance, tu n’y trouveras plus qu’une larme de verre. »
Dans ce n° 120, qui vient de paraître, Jean-Pierre Thuillat consigne dans son éditorial que « les médias remplacent le clergé pour dire à chacun ce qu’il convient de croire et de penser ; les financiers tiennent tout le monde à la pointe de leur pognon ». Il présente ensuite Jacqueline Saint-Jean avant d’offrir d’elle le choix significatif d’une douzaine de poèmes. « Tout se mêle / à ce qui demeure / et poigne sous les côtes // Même plainte humaine / Qui creuse l’étendue » lit-on, par exemple.
S’ensuit un fort dossier d’une trentaine de pages consacré à François Montmaneix, né en 1938, longtemps homme-orchestre de la culture à Lyon, fondateur du prix Kowalski en 1984, dont les Œuvres complètes viennent de paraître à La Rumeur libre éditions, en deux volumes de plus de 500 pages chacun. Le poète, actuel président de l’Académie Mallarmé, est sobrement présenté par Bernard Fournier qui note, entre autres, que, pour le poète : « le meilleur moyen de ne pas se méfier du temps, c’est de revenir à son enfance, de comprendre ce que l’homme est maintenant. » Dans le long entretien qu’il a donné, François Montmaneix dénonce les « envolées diafoireuses […], l’effacement de la transmission, qui revient à planter un arbre sans ses racines. — L’égalitarisme est à l’égalité ce que la piquette est à un grand Bourgogne. — Une réédition procure un recul comparatif. — Rien n’est plus dérisoire que ces sortes d’édicules de la vanité auxquels s’astreignent les adeptes de la course en sac avec renvois d’ascenseurs. — Un homme seul est toujours en bonne compagnie. — Si un livre n’est que la réécriture du précédent, inutile de prolonger l’entreprise. » Il dit aussi pourquoi il n’aime pas René Char : une sorte d’enflure manquant d’épaisseur simplement humaine et [d’autosatisfaction]. Ce dossier se termine par une quinzaine de pages de poèmes choisis par le présentateur. « Suis-je amputé de la douleur » questionne l’impétrant qui par ailleurs excelle dans le poème amoureux.
Trois pages d’hommage à Jean Joubert [1928-2015], qui consigne : « Le ciel s’accroît, l’eau brûle ses jardins », précèdent un cahier de textes de 15 pages offertes aux poètes François Teyssandier, Nicole Nadir, Michel Passerlergue, Françoise Oriot, cette dernière écrivant : « Sais-tu encore nos danses au bord des abîmes / qu’effondrait la joute de nos charades enivrées ? » et Roger Cojean. Les quinze dernières pages sont riches de notes de lectures fouillées à raison d’une page accordée à chaque livre présenté. On sourit à lire Georges Cathalo : « Les poètes ont toujours mauvaise mine quand ils vont au charbon. » Enfin, Jean-Pierre Thuillat présente habilement la jeune maison d’édition le Passeur dont la collection poésie est dirigée par Dominique Sampiero et le dernier titre paru, de Jean-Michel Maulpoix, fait état d’un « bilan assez désenchanté ».
Cela mérite l’attention pour qui veut connaître un peu mieux ce monde de la poésie en marche. [Le site de la revue Friches]

Pierre Perrin, 5 mars 2016

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