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Renée Brock, Maternité
repris de Poème du sang, Laffont, 1949 [épuisé]
Je t’avais porté pendant trois saisons.
Je t’avais pensé pour des millénaires.
Dans la pure impudeur de l’accouchement,
Dans la nudité de sa douleur,
J’avais revêtu la robe drapée, et toute droite, et très sainte
De la Vierge.
Et j’ai su la maternité.
Tu es né.
Ta petite chair molle et rouge
A glissé de son corps et de son cri.
Et j’ai su la vie.
Tu as crié
En ta première nuit.
Ta voix m’a éveillée dans un verger d’inconscience.
Une brume basse flottait alentour des pommiers
Comme une douleur vague et consolante,
Comme une douleur qui ne serait venue de nulle part.
Je voyais, sur des arbres,
À la fois s’ouvrir des fleurs blanches
Et luire des fruits transparents.
J’ai passé mes mains étonnées
Sur mon ventre étroit et plat
Où tu n’étais plus.
Donc tu Étais.
Et j’ai su la joie.
Tu as tendu
Vers mes seins douloureux en pierre de lait
Ta bouche avide de jeune animal,
Tes yeux aveugles de nouveau-né.
Une goutte pâle était restée
Sur ta joue duveteuse, un peu fripée,
ta joue comme un brugnon d’automne oublié
à son rameau et confiant en lui.
Et j’ai su l’amour.
Tu as dormi sur mon bras nu […]
[à suivre, la seconde moitié de ce poème, dans le prochain numéro]
Poéte belge, Renée Brock [1912-1980], « la Marcelline Desbordes-Valmore de notre XXème siècle », selon Jean Breton, est la mère, l’amoureuse, la solitaire. Peu d’écrivains ont chanté aussi justement que cette poète de Liège la maternité, la naissance, l’enfance et l’intimité familiale. Présente au sein de la revue Les Hommes sans épaules, Renée Brock est notamment l’un des « Porteurs de Feu » du n° 1, 3ème série, 1997. À lire : Poésies complètes, éd. Saint-Germain-des-Prés, 1982, L’Étoile Révolte, Cherche midi éditeur, 1984, Le Temps unique, éd. Saint-Germain-des-Prés, 1986, Les Bleus de la nuit, Le Milieu du Jour, 1990. On peut lire quatre autres poèmes en pdf.
