Jean-François Mathé in Possibles n° 4 – janvier 2016

Jean-François Mathé, quatre poèmes
extraits de Débuts de dénouement, recueil inédit


Les poètes s’intéressent à des petites choses, des moments de la vie qui n’ont l’air de presque rien, pour les agrandir. Jean-François Mathé

Quand nous en avions fini
avec la lecture de pages de pluie,
nous aimions regarder le ciel clair de l’été
et mettre au propre son brouillon d’oiseaux.
Ils pouvaient repartir en bon ordre
et remportaient le bleu où il doit être.

Où il doit être, c’est-à-dire au-dessus de nous,
intouchable, même à l’horizon
qui, quand nous l’atteignons,
remet toujours l’espace à plus loin,
le temps à plus tard.

*

Une fois le vent tombé,
me reste un arbre nu en travers du regard.
Je cherche ses feuilles
comme si elles avaient emporté
les battements de mon cœur.
Mais la porte est ouverte
et m’appelle, nu, à aller étreindre l’arbre nu,
à accepter en moi comme lui les a acceptées
les racines par où
naissent mêlées la vie et la mort.

Tu as beau étouffer ton cœur sous des ombres,
des oiseaux s’envolent encore de lui
et se posent sur moi
comme si j’étais l’arbre
que tu leur as choisi.

Mais peut-être ne suis-je
que l’ombre de l’arbre
et tes oiseaux seulement leur ombre
qui vole et se pose
depuis que nous apprenons à vivre
légèrement appuyés à la mort.

*

Il reste quoi du feu qui me fit vivre
les nuits comme des jours ?
Une fumée mourante ?

J’en ferai l’ombre qui me précède
et annonce à mon corps
qu’il avance en se diluant.

Jean-François Mathé, Débuts de dénouement, recueil inédit


Présentation de Jean-François Mathé —>

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